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le nom du Maharaja kanishka. Elle appartient donc certainement à la même époque. Elle est malheureusement ou trop détériorée ou publiée avec un soin insuffisant. Le fait est que, d’après les fac-similés, il nous est encore impossible d’en donner une traduction suivie. Nous sommes du moins en état de constater avec certitude certains faits linguistiques. Une série de génitifs en sa, pour ne citer que ce trait, démontre qu’elle est écrite en prâcrit ; et pourtant, par l’emploi distinct des trois sifflantes, par le maintien de complexes de consonnes non assimilées, comme dans Kanishka, dans sam̃vardhaka, elle s’écarte absolument des règles consacrées par les grammairiens pour l’orthographe prâcrite. Il est vrai que, parallèlement, nous y relevons la lecture semi-classique et semi-prâcrite chatrapa.

L’inscription de Bhawalpur[1] est datée de la onzième année de Kanishka : maharajasya rajatirajasya devaputrasya kanishkasya sam̃vatsare ekadaçe, etc. On le voit, les désinences sont généralement sanscrites ; et il en est de même ordinairement de l’orthographe radicale, avec les groupes shka, tsa, etc. Et cependant nous ne sommes point en présence de sanscrit véritable : ashṭa s’y lit aṭha, yashṭi devient yaṭhi, pour bhikshoḥ nous avons bhichusya, et sam̃khakaṭisya ou °kiṭisya, pour sâm̃khyakṛitinaḥ ou sâmkhyakîrteḥ, par une double déviation, dans le thème et dans la désinence, des habitudes classiques.

Ces exemples suffisent. Tous ces monuments, dans des proportions inégales et avec des nuances diverses, offrent, au point de vue qui me préoccupe, un caractère identique, c’est le mélange étroit, sans règles définies, de formes et d’orthographes sanscrites avec des formes et des orthographes prâcrites. À quelle cause l’attribuer ? Il ne peut être question de variations dialectales puisque le mélange se manifeste dans chacun des monuments, qu’il ne s’agit pas de nuances existant d’un monument à l’autre. Nous rabattrons-nous sur l’ignorance des graveurs qui auraient été incapables d’écrire cor-

  1. Indian Antiquary, 1881, p. 324 et suiv.