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CONFÉRENCES AU MUSÉE GUIMET

avant le bouddhisme. Il ne l’a donc pas tirée de quelque métaphore de hasard. Le Mṛityu-Pâpman brahmanique est antérieur au Mâra-Kâma du bouddhisme : c’est de lui, bien avant qu’il fût identifié avec Kâma, que procèdent ces images de combat titanesque. Le bouddhisme en a donc recueilli l’héritage avant qu’il ait pu modeler en anecdotes édifiantes le rôle de Kâma, lui-même secondaire.

C’est bien l’armée des légions ténébreuses, non, comme on le voudrait, une armée symbolique de passions et de vices, qui, dans la forme primitive du récit, assaille le Bouddha. El c’est pour cela que les textes, comme s’ils entendaient prévenir toute méprise, en font expressément l’armée de Mṛityu, c’est-à-dire de Mâra considéré, non dans un rôle moral, mais dans son personnage initial, génie de la mort et de la destruction. Aussi bien ces textes, ceux que l’on tient pour les plus autorisés, ceux que l’on invoque pour le ramener à une origine tardive, font au combat mythique des allusions certaines qu’on a trop oubliées. Le bouddhisme n’est pas une religion naturaliste ; il ne crée pas de mythe. Il n’a pas inventé une scène qui s’accorde visiblement si mal avec le tour tout moral qu’il tendait à imprimer à la situation.