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les guerriers ayant tous disparu, il ne reste aux brahmanes, pour rendre à la terre ses maîtres tutélaires, à l’organisation sociale son indispensable équilibre, d’autre ressource que de s’unir aux veuves des kshatriyas pour faire souche avec elles d’une nouvelle caste noble. Quelle est au vrai l’origine de ce récit ? Reflète-t-il une vaste lutte de classes entre nobles et prêtres ? Cette conclusion m’apparaît, je l’avoue, moins clairement qu’à d’autres juges. Mais il ne vaut point la peine d’épiloguer. Le conte trahit assurément des uns aux autres, au moins en certains lieux et à certains momens, des relations fort tendues.

Une domination comme celle que les brahmanes ont conquise, qu’ils ont dû fortifier de siècle en siècle, ne se fonde point sans contestations. Le soin que prennent leurs livres, à toutes les époques, depuis les hymnes védiques, d’établir le dogme de leur supériorité dans les termes les plus forts, les plus extravagans, montre bien qu’il a fallu un persévérant travail pour en assurer le succès. On a justement fait valoir[1] que toute une série d’hymnes de l’Atharvavéda semble refléter une période, ou au moins des exemples nombreux, de conflits entre brahmanes et kshatriyas. Il est clair d’ailleurs que, de tout temps, le pouvoir

  1. Zimmer, p. 197 suiv.