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ble, mais comme une agglomération de castes innombrables, inégales en droits, en rang social, et séparées à cet égard par des distances énormes. Que l’on se rappelle les longues listes de brâhmanes dégradés et déchus qu’énumère la tradition. Il n’en était donc pas autrement du temps où furent rédigés les Livres de lois. Quant aux kshatriyas et aux vaiçyas, c’est à peine si leur nom même a survécu dans quelques traces ; elles sont aussi suspectes que rares. Là où il paraît, le nom a pu être repris à la tradition à des époques récentes, — nous en avons des exemples avérés, — pour servir les prétentions arbitraires de tel ou tel groupe. Comme castes séparées, authentiques, on ne les saisit nulle part. Nous n’y pouvons voir encore que des noms génériques, un cadre très vaste destiné à embrasser, à dissimuler un fractionnement réel infini.

J’ai eu occasion naguère de montrer[1] à propos du théâtre, comment les Hindous procèdent pour établir des enseignemens théoriques. Goût des classifications et dédain des faits, insouci de notre sens logique et respect superstitieux des formules, tout conspire chez eux, avec la tyrannie de l’esprit scolastique, avec la domination incontestée d’une classe sacerdotale, pour hâter l’éclosion des sys-

  1. Revue des Deux Mondes, mai 1891.