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comme de certains esprits malades : ils ont suivi toute une conversation sans défaillance ; au dernier moment, quelque bizarrerie inattendue vient révéler le secret d’un mal profond. Des récits assez prosaïques, assez raisonnables, peuvent de même laisser échapper très clairement le secret de leur origine légendaire.

Si les traditions du canon pâli étaient invariablement vraisemblables, leurs prétentions historiques pourraient nous impressionner. Mais est-ce le cas ? Le rôle et les privilèges du Cakravartin sont tout aussi explicites, tout aussi miraculeux au midi qu’au nord. Non seulement le Suttanipâta contient les allusions les plus formelles aux trente-deux signes, certainement merveilleux et imaginaires, du Mahâpurusha ; il nous montre Çâkyamuni manifestant l’un d’eux par un prodige familier à la littérature du nord et qui égale à coup sûr en étrangeté significative les fantaisies réputées les plus folles[1]. Le nom seul de Mâyâ pour la mère du Buddha implique, nous le verrons, des attaches supra-terrestres. La descente du Bodhisattva sous forme d’éléphant dans le sein de sa mère ne peut point passer pour un souvenir authenthique. Il est vrai que l’on arrange les choses : on parle d’un songe. Le relief de Bharhut où est figurée la scène, loin d’indiquer une semblable réserve, semble prévoir et s’attache à prévenir tout malentendu ; l’inscription parle positivement de la « descente de Bhagavat (Bhagavato okraṁti) ; et tel est indubitablement le sens primitif de la tradition : partout le Bodhisattva descend miraculeusement du ciel. Je ne connais dans le canon pâli aucun récit de la lutte contre Mâra qui fasse à la peinture du Lalita Vistara un pendant exact. Mais la

  1. Suttanipâta, loc. cit.