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Je reconnais volontiers que, à prendre par exemple la biographie rédigée par Buddhaghosha, le ton en est plus uni, moins tendu que dans le Lalita Vistara. N’est-il pas naturel qu’un glossateur tard venu, racontant des événements dont l’impossibilité ne compromet pas pour lui la vraisemblance, ne donne point à son récit la même allure qu’un livre religieux, en partie versifié, écho direct de l’imagination populaire ? Dans les éléments constitutifs de la tradition on ne découvre pas de divergence notable. En somme, les deux récits se suivent pas à pas : qu’il s’agisse de la naissance ou de l’histoire du village, de la lutte contre Mâra, voire des prodiges qui annoncent et préparent toutes les scènes, la concordance se vérifie dans vingt détails ; les mêmes impossibilités, d’égales invraisemblances se reproduisent uniformément. La seule différence consiste en ce que les récits du nord sont plus abondants et plus transparents, étant plus naïfs. Aussi bien, sur ce terrain, l’accord est trop évident pour être sérieusement contesté. Mais il ne faut pas trop déprécier l’autorité de ces biographies de Buddhaghosha. Elles font profession de s’appuyer sur des documents bien antérieurs, en particulier sur ces vieux commentaires qui, s’il faut en croire le témoignage des chroniqueurs, seraient à Ceylan contemporains des ouvrages mêmes du canon. Je ne vois au moins aucun prétexte de douter que, si l’on fait abstraction des détails de rédaction accessoires, elles représentent avec fidélité l’état ancien de la tradition locale. On peut s’en convaincre par le soin minutieux avec lequel elles signalent entre leurs sources telle divergence absolument insignifiante[1]. Un pareil scrupule est caractéristique.

  1. Jâtaka, éd. Fausböll, I, p. 62, etc.