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m’importe donc beaucoup de marquer exactement la place qu’elle occupe ici.

Je l’ai indiqué tout à l’heure, j’ai constamment en vue une préoccupation double : montrer par des rapprochements ou des filiations incontestables que, parmi nos récits, un grand nombre, et des plus essentiels, nous transportent sur le terrain mythologique ; et, fort de ce premier résultat, montrer que l’ensemble, l’inspiration dominante et commune à tous, est loin de démentir cette conclusion, qu’elle la favorise clairement, même dans certaines parties pour lesquelles nous ne possédons pas de comparaisons directement et isolément convaincantes. Il est naturel que le rapprochement des légendes m’ait souvent amené à en conjecturer les origines, et m’ait ainsi entraîné parfois hors de mes limites rigoureuses. En d’autres termes, j’ai pu et j’ai dû, dans une recherche de mythologie historique, emprunter fréquemment la langue et céder aux curiosités de la mythologie comparative.

J’ai, à cet égard, une autre excuse encore. Telle est la nature de la tradition religieuse dans l’Inde, toujours fixée sous une influence brahmanique prépondérante, qu’elle ne donne pas une image suffisamment sincère et exacte des notions populaires. Ainsi devient-il trop souvent impossible de rattacher les développements secondaires de la légende à un prototype direct. Il est d’autant plus nécessaire de ne pas s’arrêter à mi-chemin dans la recherche des filiations ; il faut compenser en quelque façon par la clarté d’un développement poursuivi jusqu’en ses plus lointaines origines les lacunes inhérentes au caractère de nos informations[1]. Mais, je

  1. On pourra voir par certains exemples que nos versions buddhiques révèlent encore directement leur parenté avec des mythes de la