ma route en voiture. Entre Lausanne et Vevay le chemin s’élève et s’abaisse continuellement, presque toujours à mi-côte, entre des vignobles assez ennuyeux, à mon avis, dans une telle contrée. Mais Vevay, Clarens, Chillon, les trois lieues depuis Saint-Saphorien jusqu’à Villeneuve, surpassent ce que j’ai vu jusqu’ici. C’est du côté de Rolle qu’on admire le lac de Genève ; pour moi je ne veux pas en décider, mais c’est à Vevay, à Chillon surtout, que je le trouve dans toute sa beauté. Que n’y a-t-il dans cet admirable bassin, à la vue de la dent de Jamant, de l’aiguille du Midi et des neiges du Velan, là, devant les rochers de Meillerie, un sommet sortant des eaux, une île escarpée, bien ombragée, de difficile accès ; et, dans cette île, deux maisons, trois au plus ! Je n’irais pas plus loin. Pourquoi la nature ne contient-elle presque jamais ce que notre imagination compose pour nos besoins ? Ne serait-ce point que les hommes nous réduisent à imaginer, à vouloir ce que la nature ne forme pas ordinairement ; et que, si elle se trouve l’avoir préparé quelque part, ils le détruisent bientôt ?
J’ai couché à Villeneuve, lieu triste dans un si beau pays. J’ai parcouru, avant la chaleur du jour, les collines boisées de Saint-Tryphon, et les vergers continuels qui remplissent la vallée jusqu’à Bex. Je marchais entre deux chaînes d’Alpes d’une grande hauteur ; au milieu de leurs neiges, je suivais une route unie le long d’un pays abondant, qui semble avoir été, dans des temps reculés, presque entièrement couvert par les eaux.
La vallée où coule le Rhône, depuis Martigny jusqu’au lac, est coupée, à peu près au milieu, par des rochers couverts de pâturages et de forêts, qui forment les premiers gradins des dents de Morcle et du Midi, et qui ne sont séparés que par le lit du fleuve. Vers le nord, ces rocs sont en partie couverts de bois de châtaigniers surmontés par