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juste aux yeux d’une femme aimée ; de faire tout pour elle et de n’en rien exiger ; d’en attendre ce qui est naturel et honnête et de n’en rien prétendre d’exclusif ; de la rendre estimable, et de la laisser à elle-même ; de la soutenir, de la conseiller, de la protéger, sans la gouverner, sans l’assujettir ; d’en faire une amie qui ne cache rien et qui n’ait rien à cacher, sans lui interdire des choses, indifférentes alors, mais que d’autres tairaient et devraient s’interdire ; de la rendre la plus parfaite, mais la plus libre qu’il se puisse ; d’avoir sur elle tous les droits, afin de lui rendre toute la liberté qu’une âme droite puisse accepter ; et de faire ainsi, du moins dans l’obscurité de notre vie, la félicité d’un être humain digne de recevoir le bonheur sans le corrompre et la liberté de l’esprit sans en être corrompu ?

LETTRE LXXXVIII.

Im., 30 novembre, IX.

Il fait aujourd’hui le temps que j’aimerais pour écrire des riens pendant cinq ou six heures, pour jaser de choses insignifiantes, pour lire de bonnes parodies, pour passer le temps. Depuis plusieurs jours je suis autant que jamais dans cette disposition ; et vous auriez la lettre la plus longue qu’on ait encore reçue à Bordeaux, si je ne devais pas mesurer avec Fonsalbe la pente d’un filet d’eau qu’il veut amener dans la partie la plus haute de mes prés, et qu’aucune sécheresse ne pourra tarir, puisqu’il sort d’un petit glacier. Cependant on peut bien prendre le temps de vous dire que le ciel est précisément tel que je l’attendais.

Ils n’ont pas besoin d’attendre, ceux qui vivent comme il convient, qui ne prennent de la nature que ce qu’ils en ont arrangé à leur manière, et qui sont les hommes de