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Mais de tous ces cas difficiles, je n’en veux qu’un : c’est celui dont j’ai à me disculper, et j’y reviens. Il faut rendre une femme heureuse, et préparer le bonheur de ses enfants ; il faut donc avant tout s’arranger de manière à avoir la certitude, ou du moins la probabilité de le pouvoir. On doit encore à soi-même et à ses autres devoirs futurs de se ménager la faculté de les remplir, et par conséquent la probabilité d’être dans une situation qui nous le permette, et qui nous donne au moins la partie du bonheur nécessaire à l’emploi de la vie. C’est autant une faute qu’une imprudence de prendre une femme qui remplira nos jours de désordre, de dégoûts ou d’opprobre ; d’en prendre une qu’il faudra chasser ou abandonner ; ou une avec qui tout bonheur mutuel sera impossible. C’est une faute de donner la naissance à des êtres pour qui on ne pourra probablement rien. Il fallait être à peu près assuré, sinon de leur laisser un sort indépendant, du moins de leur donner les avantages moraux de l’éducation, et les moyens de faire quelque chose, de remplir dans la société un rôle qui ne fût ni misérable ni déshonnête.

Vous pouvez, en route, ne point choisir votre gîte, et considérer comme supportable l’auberge que vous rencontrez. Mais vous choisirez au moins votre domicile ; vous ne vous fixerez pas pour la vie, vous n’acquerrez pas un domaine sans avoir examiné s’il vous convient. Vous ne ferez donc pas au hasard un choix plus important encore, et par lui-même, et parce qu’il est irrévocable.

Sans doute il ne faut pas aspirer à une perfection absolue ou chimérique ; il ne faut pas chercher dans les autres ce qu’on n’oserait prétendre leur offrir soi-même, et juger ce qui se présente avec assez de sévérité pour ne jamais atteindre à ce qu’on cherche. Mais approuverons-nous l’homme impatient qui se jette dans les bras du