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nesse. On ne traverse point leur pays sans surprise : cependant, à ne prendre même que le visage, si un artiste y trouvait un modèle, ce serait une exception.

On assure que rien n’est si rare dans la plus grande partie de la Suisse qu’un beau sein. Je sais un peintre qui va jusqu’à prétendre que beaucoup de femmes du pays n’en ont pas même l’idée. Il soutient que certains défauts y sont assez universels pour que la plupart n’imaginent pas que l’on doive être autrement, et pour qu’elles regardent comme chimériques des tableaux faits d’après nature en Grèce, en Angleterre, en France. Quoique ce genre de perfection paraisse appartenir à une sorte de beauté qui n’est pas celle du pays, je ne puis croire qu’il y manque universellement, comme si les grâces les plus intéressantes étaient exclues par le nom moderne qui réunit tant de familles dont l’origine n’a rien de commun, et dont les différences très-marquées subsistent encore.

Si pourtant cette observation se trouvait fondée, ainsi que celle d’une certaine irrégularité dans les formes, on l’expliquerait par cette rudesse qui semble appartenir à l’atmosphère des Alpes. Il est très-vrai que la Suisse, qui a de beaux hommes, et plus particulièrement vers les montagnes, comme dans l’Hasli et le haut Valais, contient néanmoins une quantité remarquable de crétins, et surtout de demi-crétins goîtreux, imbéciles, difformes. Beaucoup d’habitants, sans avoir des goîtres, paraissent attaqués de la même maladie que les goîtreux. On peut attribuer ces gonflements, ces engorgements, à des parties trop brutes de l’eau, et surtout de l’air, qui s’arrêtent, embarrassent les conduits, et semblent rapprocher la nutrition de l’homme de celle de la plante. La terre y serait-elle assez travaillée pour les autres animaux, mais trop sauvage encore pour l’homme ?