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dans une contrée immense livrée au sinistre orgueil des conquêtes, et à l’ostentation de l’empire, plus funeste encore.

Vous jugez bien que je voulais parler seulement des traits du visage ; je suis persuadé que vous me rendrez cette justice. Dans de certaines parties de l’Oberland, dans ces pâturages dont la pente générale est à l’ouest et au nord-ouest, les femmes ont une blancheur que l’on remarquerait dans les villes, et une fraîcheur de teint que l’on n’y trouverait pas. Ailleurs, au pied des montagnes assez près de Fribourg, j’ai vu des traits d’une grande beauté dont le caractère général était une majesté tranquille. Une servante de fermier n’avait de remarquable que le contour de la joue ; mais il était si beau, il donnait à tout le visage une expression si auguste et si calme, qu’un artiste eût pu prendre sur cette tête l’idée d’une Sémiramis.

Mais l’éclat du visage et certains traits étonnants ou superbes sont très-loin de la perfection générale des formes et de cette grâce pleine d’harmonie qui fait la vraie beauté. Je ne veux pas juger une question qu’on peut trouver très-délicate ; mais il me semble qu’il y ait ici quelque rudesse dans les formes, et qu’en général on y voie des traits frappants ou une beauté pittoresque, plutôt qu’une beauté finie. Dans les lieux dont je vous parlais d’abord, le haut de la joue est très-saillant ; cela est presque universel, et Porta trouverait le modèle commun dans une tête de brebis.

S’il arrive qu’une paysanne française[1] soit jolie à dix-huit ans, avant vingt-deux ans son visage hâlé paraît fatigué, abruti ; mais dans ces montagnes les femmes conservent, en fanant leurs prés, tout l’éclat de la jeu-

  1. Le mot française est trop général.