Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout à fait bien selon le lieu. Tout cela est donc sujet à tant d’exceptions, que je ne saurais décider en général. Ce que j’aime, ce n’est pas précisément une chose de telle nature, mais celle que je vois le plus près de la perfection dans son genre, celle que je reconnaîtrais être le plus selon sa nature.

Je préférerais la vie d’un misérable Finlandais dans ses roches glacées à celle que mènent d’innombrables petits bourgeois de certaines villes, dans lesquelles, tout enveloppés de leurs habitudes, pâles de chagrin et vivant de bêtises, ils se croient supérieurs à l’être insouciant et robuste qui végète dans la campagne, et qui rit tous les dimanches.

J’aime assez une ville petite, propre, bien située, bien bâtie, qui a pour promenade publique un parc bien planté, et non d’insipides boulevards ; où l’on voit un marché commode et de belles fontaines ; où l’on peut réunir, quoique en petit nombre, des gens non pas extraordinaires, célèbres, ni même savants, mais pensant bien, se voyant avec plaisir, et ne manquant pas d’esprit ; une petite ville enfin où il y a aussi peu qu’il se puisse de misère, de boue, de division, de propos de commère, de dévotion bourgeoise et de calomnie.

J’aime mieux encore une très-grande ville qui réunisse tous les avantages et toutes les séductions de l’industrie humaine ; où l’on trouve les manières les plus heureuses, et l’esprit le plus éclairé ; où l’on puisse, dans son immense population, espérer un ami, et faire des connaissances telles qu’on les désire ; où l’on puisse se perdre quand on veut dans la foule, être à la fois estimé, libre et ignoré, prendre le train de vie que l’on aime, et en changer même sans faire parler de soi ; où l’on puisse en tout choisir, s’arranger, s’habituer, sans avoir d’autres juges que les personnes dont on est vraiment connu. Paris