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qu’il avait désiré qu’une force nouvelle pour s’avancer vers ce qu’il ne désirait pas ; qui aime mieux aspirer à ce qu’il craignait que de ne plus rien attendre ; dont le plus grand malheur serait de n’avoir à souffrir de rien ; que les obstacles enivrent, que les plaisirs accablent, qui ne s’attache au repos que quand il l’a perdu ; et qui, toujours emporté d’illusions en illusions, n’a pas, ne peut pas avoir autre chose, et ne fait jamais que rêver la vie.

LETTRE LXXII.

Im., 6 août, VIII.

Je ne saurais être surpris que vos amis me blâment de m’être confiné dans un endroit solitaire et ignoré. Je devais m’y attendre, et je dois aussi convenir avec eux que mes goûts paraissent quelquefois en contradiction. Je pense cependant que cette opposition n’est qu’apparente, et n’existera qu’aux yeux de celui qui me croira un penchant décidé pour la campagne. Mais je n’aime pas exclusivement ce qu’on appelle vivre à la campagne ; je n’ai pas non plus d’éloignement pour la ville. Je sais bien lequel des deux genres de vie je préfère naturellement, mais je serais embarrassé de dire lequel me convient tout à fait maintenant.

A ne considérer que les lieux seulement, il existe peu de villes où il ne me fût désagréable de me fixer ; mais il n’y en a point peut-être que je ne préférasse à la campagne, telle que je l’ai vue dans plusieurs provinces. Si je voulais imaginer la meilleure situation possible pour moi, ce ne serait pas dans une ville. Cependant je ne donne pas une préférence décidée à la campagne ; si, dans une situation gênée, il y est plus facile qu’à la ville de mener une vie supportable, je crois qu’avec de l’aisance il est plus facile dans les grandes villes qu’ailleurs de vivre