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constamment les cieux, animer les eaux, féconder la terre fleurie et embellie par les teintes harmonieuses et les sons romantiques. Il a dans le printemps des heures d’une beauté inexprimable ; il a les jours d’automne plus attachants encore par cette tristesse même qui remplit l’âme sans l’égarer, qui, au lieu de l’agiter d’un plaisir trompeur, la pénètre et la nourrit d’une volupté pleine de mystère, de grandeur et d’ennuis.

Peut-être les aspects différents de la terre et des cieux, et la permanence ou la mobilité des accidents de la nature, ne peuvent-ils faire d’impression que sur les hommes bien organisés, et non sur cette multitude qui paraît condamnée, soit par incapacité, soit par misère, à n’avoir que l’instinct animal. Mais ces hommes dont les facultés sont plus étendues sont ceux qui mènent leur pays, ceux qui, par les institutions, par l’exemple, par les forces publiques ou secrètes, entraînent le vulgaire ; et le vulgaire lui-même obéit en bien des manières à ces mobiles, quoiqu’il ne les observe pas.

Parmi ces causes, l’une des principales, sans doute, est dans l’atmosphère dont nous sommes pénétrés. Les émanations, les exhalaisons végétales et terrestres changent avec la culture et avec les autres circonstances, lors même que la température ne change pas sensiblement. Ainsi, quand on observe que le peuple de telle contrée a changé, quoique son climat soit resté le même, il me semble que l’on ne fait pas une objection solide ; on ne parle que de la température, et cependant l’air d’un lieu ne saurait convenir souvent aux habitants d’un autre lieu, dont les étés et les hivers paraissent semblables.

Les causes morales et politiques agissent d’abord avec plus de force que l’influence du climat ; elles ont un effet présent et rapide qui surmonte les causes physiques, quoique celles-ci, plus durables, soient plus puissantes à