rarement, et n’y reste pas. On y a, dit-on, des oliviers, et les sites y sont beaux ; mais c’est un coin bien reculé. Je craignais encore plus la manière italienne ; et quand, après cela, j’ai songé aux maisons de pierres, je n’ai pas pris la peine d’y aller. Ce n’est plus être en Suisse. J’aimerais bien mieux Chessel, et j’y devrais être, mais il paraît que je ne le puis. J’ai été conduit ici par une force qui n’est peut-être que l’effet de mes premières idées sur la Suisse, mais qui me semble être autre chose. Lugano a un lac, mais un lac n’eût pas suffi pour que je vous quittasse.
Cette partie de la Suisse où je me fixe est devenue comme ma patrie, ou comme un pays où j’aurais passé des années heureuses dans les premiers temps de la vie. J’y suis avec indifférence, et c’est une grande preuve de mon malheur ; mais je crois que je serais mal partout ailleurs. Ce beau bassin de la partie orientale du Léman, si vaste, si romantique, si bien environné ; ces maisons de bois, ces chalets, ces vaches qui vont et reviennent avec leurs cloches des montagnes ; les facilités des plaines et la proximité des hautes cimes ; une sorte d’habitude anglaise, française et suisse à la fois ; un langage que j’entends, un autre qui est le mien, un autre plus rare que je ne comprends pas ; une variété tranquille que tout cela donne ; une certaine union peu connue des catholiques ; la douceur d’une terre qui voit le couchant, mais un couchant éloigné du Nord ; cette longue plaine d’eau courbée, prolongée, indéfinie, dont les vapeurs lointaines s’élèvent sous le soleil de midi, s’allument et s’embrasent aux feux du soir, et dont la nuit laisse entendre les vagues qui se forment, qui viennent, qui grossissent et s’étendent pour se perdre sur la rive où l’on repose : cet ensemble entretient l’homme dans une situation qu’il ne trouve pas ailleurs. Je n’en jouis guère, et j’aurais peine à m’en pas-