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avec autant de plaisir que ces belles poires ou ces pêches qui ne rafraîchiraient pas mieux, et dont on a tiré un bien meilleur parti.

Dans la maison tout est propre, mais d’une simplicité rigoureuse. Si l’avarice ou la misère avaient fait cette loi, ce serait triste à voir, mais c’est l’économie de la bienfaisance. Ses privations raisonnées, sa sévérité volontaire, sont plus douces que toutes les recherches et l’abondance d’une vie voluptueuse ; celles-ci deviennent des besoins dont on ne supporterait pas d’être privé, mais auxquels on ne trouve point de plaisir ; les premières donnent des jouissances toujours répétées, et qui nous laissent notre indépendance. Des étoffes de ménage fortes et peu salissantes composent presque tout l’habillement des enfants et du père. Sa femme ne porte que des robes blanches de toile de coton ; et tous les ans, on trouve des prétextes pour répartir plus de deux cents aunes de toile entre ceux qui sans cela auraient à peine des chemises. Il n’y a d’autre porcelaine que deux tasses du Japon, qui servaient jadis dans la maison paternelle ; tout le reste est d’un bois très-dur, agréable à l’œil, et que l’on maintient dans une grande propreté. Il se casse difficilement, et on le renouvelle à peu de frais ; en sorte que l’on n’a pas besoin de craindre ou de gronder, et qu’on a de l’ordre sans humeur, de l’activité sans inquiétude. On n’a pas de domestiques : comme les soins du ménage sont peu considérables et bien réglés, on se sert soi-même afin d’être libre. De plus, on n’aime ni à surveiller ni à perdre : on se trouve plus heureux avec plus de peine, et plus de confiance. Seulement, une femme qui mendiait auparavant vient tous les jours pendant une heure, elle fait l’ouvrage le moins propre, et elle emporte chaque fois le salaire convenu. Avec cette manière d’être, on connaît au juste ce qu’on dépense. Là on sait le prix d’un œuf,