méprisés, chercher celles qui peuvent être à moi, non par une douce liberté de mœurs, non par un désir naturel, mais parce que leur métier les donne à tous ? N’étant plus à elles-mêmes, elles ne sont plus des femmes, mais je ne sais quoi d’analogue. L’oubli de toute délicatesse, l’inaptitude aux sentiments généreux, et le joug de la misère, les livrent aux caprices les plus brutes de l’homme en qui une telle habitude dépravera aussi les sensations et les désirs. Il reste des circonstances possibles, j’en conviens ; mais elles sont très-rares, et quelquefois elles ne se rencontrent point dans une vie entière. Les uns, retenus par la raison[1], consument leurs jours dans des privations nécessaires et injustes ; les autres, en nombre bien plus grand, se jouent du devoir qui les contrarie.
Ce devoir a cessé d’en être un dans l’opinion, parce que son observation est contraire à l’ordre naturel des choses. Le mépris qu’on en fait mène pourtant à l’habitude de n’obéir qu’à l’usage, de se faire à soi-même une règle selon ses penchants, et de mépriser toute obligation dont l’infraction ne conduit pas positivement aux peines légales ou à la honte dans la société. C’est la suite inévitable des bassesses réelles dont on s’amuse tous les jours. Quelle moralité voulez-vous attendre d’une femme qui trompe celui par qui elle vit, ou pour qui elle devrait vivre ; qui est sa première amie, et se joue de sa confiance ; qui détruit son repos, ou rit de lui, s’il le conserve,
- ↑ On l’est aussi par la timidité du sentiment. L’on a distingué dans toute affection de notre être deux choses analogues, mais non semblables : le sentiment et l’appétit. L’amour du cœur donne aux hommes sensibles beaucoup de réserve et d’embarras : le sentiment est plus fort alors que le besoin direct. Mais, comme il n’y a point de sensibilité profonde dans une organisation intérieurement faible, celui qui est ainsi dans une véritable passion n’est plus le même dans l’amour sans passion ; s’il est retenu alors, c’est par ses devoirs, et nullement par sa timidité.