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choix perpétuel qui demanderait une volonté constante, toujours libre et puissante ? Tandis qu’il ne peut diriger que si peu d’événements, et qu’il ne saurait régler la plupart de ses affections, lui importe-t-il, pour la paix de sa vie, de tout prévoir, de tout conduire, de tout déterminer dans une sollicitude qui, même avec des succès non interrompus ferait encore le tourment de cette même vie ? S’il paraît également nécessaire de maîtriser ces deux mobiles dont l’action est toujours réciproque ; si pourtant cet ouvrage est au-dessus des forces de l’homme, et si l’effort même qui tendrait à le produire est précisément opposé au repos qu’on en attend, comment obtenir à peu près ce résultat en renonçant au moyen impraticable qui paraît d’abord le pouvoir seul produire ? La réponse à cette question serait le grand œuvre de la sagesse humaine, et le principal objet que l’on puisse proposer à cette loi intérieure qui nous fait chercher la félicité. Je crus trouver à ce problème une solution analogue à mes besoins présents : peut-être contribuèrent-ils à me la faire adopter.

Je pensai que le premier état des choses était surtout important dans cette oscillation toujours réagissante, et qui par conséquent dérive toujours plus ou moins de ce premier état. Je me dis : Soyons d’abord ce que nous devons être ; plaçons-nous où il convient à notre nature, puis livrons-nous au cours des choses, en nous efforçant seulement de nous maintenir semblables à nous-mêmes. Ainsi, quoi qu’il arrive, et sans sollicitudes étrangères, nous disposerons des choses, non pas en les changeant elles-mêmes, ce qui nous importe peu, mais en maîtrisant les impressions qu’elles feront sur nous, ce qui seul nous importe, ce qui est le plus facile, ce qui maintient davantage notre être en le circonscrivant et en reportant sur lui-même l’effort conservateur. Quelque effet que