amis. Une autre manière de vivre m’eût ennuyé davantage dans une grande ville, mais celle-là ne me satisfaisait pas. Elle pourrait tromper si on en partageait la jouissance avec quelqu’un qui y trouvât du plaisir ; mais je suis destiné à être toujours comme si je n’étais pas.
Nous le disions souvent : un homme raisonnable n’est pas ordinairement malheureux, lorsqu’il est libre et qu’il a un peu de ce pouvoir que donne l’argent. Cependant me voici dans la Suisse, sans plaisir, rempli d’ennui et ne sachant quelle résolution prendre. Je n’ai point de famille ; je ne tiens à rien ici ; vous n’y viendrez pas, je suis bien isolé. J’ai quelque espoir confus que cela ne subsistera pas ainsi. Puisque je peux me fixer enfin, il faut songer à le faire : le reste viendra peut-être.
Il tombe encore de la neige ; j’attendrai à Fribourg que la saison soit plus avancée. Vous savez que le domestique que j’ai emmené est d’ici. Sa mère est très-malade, et n’a pas d’autre enfant que lui : c’est à Fribourg qu’elle demeure ; elle aura la consolation de l’avoir auprès d’elle ; et, pour un mois environ, je suis aussi bien ici qu’ailleurs.
LETTRE LIV.
Vous trouvez que ce n’était pas la peine de quitter sitôt Lyon pour m’arrêter dans une ville : je vous envoie pour réponse une vue de Fribourg. Quoiqu’elle ne soit pas exacte, et que l’artiste ait jugé à propos de composer au lieu de copier fidèlement, vous y verrez du moins que je suis au milieu des rocs : être à Fribourg, c’est aussi être à la campagne. La ville est dans les rochers, et sur les rochers. Presque toutes ses rues ont une pente rapide ; mais, malgré cette situation incommode, elle est mieux