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Je ne sais si vous faites assez d’attention à ces riens qui rapprochent, qui lient tous les individus de la maison, et les amis qui viennent s’y joindre ; à ces minuties qui cessent d’en être, puisqu’on s’y attache, qu’on s’empresse pour elles, et qu’on se hâte d’y courir ensemble. Lorsqu’aux premiers jours secs, après l’hiver, le soleil échauffe l’herbe où l’on est tous assis ; ou lorsque les femmes chantent dans une pièce sans lumière, tandis que la lune luit derrière les chênes ; n’est-on pas aussi bien que rangés en cercle pour dire avec effort des phrases insipides, ou encaissés dans une loge à l’Opéra, où l’haleine de deux mille corps d’une propreté et d’une santé plus ou moins suspectes vous met tout en sueur. Et ces soins amusants et répétés d’une vie libre ! Si, en avançant en âge, nous ne les cherchons plus, nous les partageons du moins ; nous voyons nos femmes les aimer, et nos enfants en faire leurs délices. Violettes que l’on trouve avec tant de jouissance, que l’on cherche avec tant d’intérêt ! fraises, mûrons[1], noisettes ; récolte des poires sauvages, des châtaignes abattues ; pommes de sapin pour le foyer d’automne ! douces habitudes d’une vie plus naturelle ! Bonheur des hommes simples, simplicité des terres heureuses !..... Je vous vois, vous me glacez. Vous dites : J’attendais une exclamation pastorale. Vaut-il mieux en faire sur les roulades d’une cantatrice ?

Vous avez tort : vous êtes trop raisonnable ; quel plaisir y avez-vous gagné ? Cependant j’ai bien peur de devenir assez tôt raisonnable comme vous.

Il est arrivé. Qui ? Lui. Il mérite bien de n’être pas nommé : je crois qu’il sera des nôtres un jour, il a une forme de tête..... Vous rirez peut-être aussi de cela ; mais vraiment la direction du nez forme avec la ligne du front

  1. Fruit de la ronce.