intérêts personnels, leurs oppositions et leurs vices, la terre serait encore belle.
Si la morale qu’on leur prêche était vraie, conséquente, jamais exagérée ; si elle leur montrait la raison des devoirs en conservant de justes proportions ; si elle ne tendait qu’à leur fin réelle, il ne resterait dans chaque nation autre chose à faire que de contenir une poignée d’hommes, dont la tête mal organisée ne pourrait reconnaître la justice.
On pourrait mettre ces esprits de travers avec les imbéciles et les maniaques : le nombre des premiers ne serait pas grand. Il est peu d’hommes qui ne soient pas susceptibles de raison ; mais, beaucoup ne savent où trouver la vérité parmi ces erreurs publiques qui affectent d’en porter le nom : si même ils la rencontrent, ils ne savent comment la reconnaître à cause de la manière gauche, rebutante et fausse dont on la présente.
Le bien inutile, le mal imaginaire, les vertus chimériques, l’incertitude, absorbent notre temps, et nos facultés, et nos volontés ; comme tant de travaux et de soins superflus ou contradictoires empêchent, dans un pays florissant, de faire ceux qui seraient utiles et ceux qui auraient un but invariable.
Quand il n’y a plus de principes dans le cœur, on est bien scrupuleux sur les apparences publiques et sur les devoirs d’opinion : cette sévérité déplacée est un témoignage peu suspect des reproches intérieurs. « En réfléchissant, dit Jean-Jacques, à la folie de nos maximes, qui sacrifient toujours à la décence la véritable honnêteté, je comprends pourquoi le langage est d’autant plus chaste que les cœurs sont plus corrompus, et pourquoi les procédés sont d’autant plus exacts que ceux qui les ont sont plus malhonnêtes. »
Peut-être est-ce un avantage d’avoir peu joui : il est