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précautions dans le péché, de l’attention et de la réflexion dans un acte qu’elle permet à ses sens, mais dont son âme écarte la souillure, il arrivera encore qu’elle sera enceinte, et que souvent elle ignorera ou doutera si son mari est le père de l’enfant dont elle le charge. Si même elle le sait, elle aimera mieux le laisser dans l’erreur, pourvu qu’elle ne prononce pas un mensonge, que de l’exposer à se mettre dans une colère qui offenserait le ciel, que de s’exposer elle-même à médire du prochain en nommant son séducteur.

Il est très-vrai que la religion, mieux entendue, ne lui permettrait pas une pareille conduite, et je ne parle ici contre aucune religion. La morale, bien conçue par tous, ferait les hommes très-justes, et dès lors très-bons et très-heureux. La religion, qui est la morale moins raisonnée, moins prouvée, moins persuadée par les raisons directes des choses, mais soutenue par ce qui étonne, mais affermie, mais nécessitée par une sanction divine ; la religion, bien entendue, ferait les hommes parfaitement purs. Si je parle d’une dévote, c’est parce que l’erreur morale n’est nulle part plus grande et plus éloignée des vrais besoins du cœur humain que dans les erreurs des dévots. J’admire la religion telle qu’elle devait être ; je l’admire comme un grand ouvrage. Je n’aime point qu’en s’élevant contre les religions on nie leur beauté, et l’on méconnaisse ou désavoue le bien qu’elles étaient destinées à faire. Ces hommes ont tort : le bien qui est fait en est-il moins un bien, pour être fait d’une manière contraire à leur pensée ? Que l’on cherche des moyens de faire mieux avec moins ; mais que l’on convienne du bien qui s’est fait, car enfin il s’en est fait beaucoup. Voilà quelques mots de ma profession de foi[1] :

  1. Moins jeune, Obermann serait plus d’accord avec lui-même, malgré ses doutes.