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Je cherche pourquoi des hommes qui se permettent tout, et qui, loin de respecter ce qu’ils appellent pudeur, montrent jusque dans leurs discours qu’ils ne connaissent pas même les lois du goût, pourquoi des hommes qui ne raisonnent point leur conduite, et qui s’abandonnent aux fantaisies de l’instant présent, s’avisent de trouver de l’indécence à des choses où je n’en sens pas, et où la réflexion même ne blâmerait que l’inconvenance du moment. Comment en trouvent-ils à des choses qui par elles-mêmes, et lorsqu’elles ne sont point déplacées, paraissent toutes simples à d’autres, et qui plairaient même à ceux qui aiment une pudeur réelle, et non l’hypocrisie ou la superstition de la pudeur.

C’est une erreur funeste de mettre aux mots et à la partie extérieure des choses une importance si grande : il suffira d’être familiarisé avec ces fantômes par quelque habitude, même légitime, pour cesser d’en mettre aux choses elles-mêmes.

Lorsqu’une dévote qui ne pouvait à seize ans souffrir qu’on l’embrassât dans des jeux de société, qui, mariée à vingt-deux, n’envisageait qu’avec horreur la première nuit, reçoit à vingt-quatre son directeur dans ses bras, je ne crois pas que ce soit tout à fait hypocrisie de sa part. J’y vois beaucoup plus la sottise des préceptes qui lui furent donnés. Il peut y avoir chez elle de la mauvaise foi, d’autant plus qu’une morale fausse altère toujours la candeur de l’âme, et qu’une longue contrainte inspire le déguisement et la duplicité. Mais s’il y en a dans son cœur, il y a bien plus encore d’ineptie dans sa tête. On lui a rendu l’esprit faux, on l’a retenue sans cesse dans la terreur des devoirs chimériques ; on ne lui a pas donné le moindre sentiment des devoirs réels. Au lieu de lui montrer la véritable fin des choses, on l’a habituée à tout rapporter à une fin imaginaire. Les rapports ne sont plus