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plaire à leurs sens, et qu’ils ne pourraient improuver naturellement qu’après y avoir pensé, voilà, à mon avis, la plus grande preuve d’une dépravation réelle. Je suis surpris que des gens sensés regardent cela comme une dernière voix de la nature qui se révolte, et qui rappelle au fond des cœurs ses lois méconnues. La corruption, disent-ils, ne peut franchir de certaines bornes ; cela les rassure et les console.

Pour moi, je crois voir le contraire. Je voudrais savoir ce que vous en penserez, et si je serai seul à voir ainsi. Je n’assure point que ce soit la vérité, je conviens même que beaucoup d’apparences sont contre moi.

Ma manière de penser là-dessus ne pouvait guère résulter que de ce que j’éprouve personnellement ; je n’étudie pas, je ne fais pas d’observations systématiques, et j’en serais assez peu capable. Je réfléchis par occasion ; je me rappelle ce que j’ai senti. Quand cela me conduit à examiner ce que je ne sais pas moi-même, c’est du moins en cherchant mes données dans ce qui m’est connu avec plus de certitude, c’est-à-dire dans moi : ces données n’ayant rien de supposé ou de paradoxal servent à me découvrir plusieurs choses dans ce qui leur est analogue ou opposé.

Je sais qu’avec le vulgaire des hommes il y a des inconvénients à ce que gâte la bêtise de leurs idées, la brutalité de leurs sensations, et une fade suffisance abusant de tout ce qui n’avertit pas que l’on sera réprimé. Je ne dis point que les femmes dont la mise paraît trop libre soient tout à fait exemptes de blâme : celles d’entre elles qui n’en méritent pas un autre oublient du moins qu’on vit parmi la foule, et cet oubli est une imprudence. Mais ce n’est point d’elles qu’il s’agit ; je parle de la sensation que la légèreté de leurs vêtements peut faire sur des hommes de différents caractères.