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peuvent convenir indifféremment à tous les caractères ; que ce n’est pas assez qu’un état, qui a pour objet des intérêts et des démêlés contentieux, soit regardé comme honnête, parce qu’on y acquiert, sans voler, trente ou quarante mille livres de rente ; et qu’enfin je n’ai pu renoncer à être homme, pour être homme d’affaires.

Je ne cherche point à vous persuader, je vous rappelle les faits ; jugez. Un ami doit juger sans trop d’indulgence ; vous l’avez dit.

Si vous aviez été à Lyon, je ne me serais pas décidé sans vous consulter ; il eût fallu me cacher de vous, au lieu que j’ai eu seulement à me taire. Comme on cherche dans le hasard même des raisons qui autorisent aux choses que l’on croit nécessaires, j’ai trouvé votre absence favorable. Je n’aurais jamais pu agir contre votre opinion ; mais je n’ai pas été fâché de le faire sans votre avis, tant je sentais tout ce que pouvait alléguer la raison contre la loi que m’imposait une sorte de nécessité, contre le sentiment qui m’entraînait. J’ai plus écouté cette impulsion secrète, mais impérieuse, que ces froids motifs de balancer et de suspendre, qui, sous le nom de prudence tenaient peut-être beaucoup à mon habitude paresseuse, et à quelque faiblesse dans l’exécution. Je suis parti, je m’en félicite ; mais quel homme peut jamais savoir s’il a fait sagement, ou non, pour les conséquences éloignées des choses ?

Je vous ai dit pourquoi je n’ai pas fait ce qu’on voulait ; il faut vous dire pourquoi je n’ai pas fait autre chose. J’examinais si je rejetterais absolument le parti que l’on voulait me faire prendre ; cela m’a conduit à examiner quel autre je prendrais et à quelle détermination je m’arrêterais.

Il fallait choisir, il fallait commencer, pour la vie peut-être, ce que tant de gens, qui n’ont en eux aucune autre