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tent ; et si quelques-uns sont plus calmes, je souris, en songeant qu’on les croit contents.

Je vois tout le ridicule du personnage que je fais ; je me rebute, et je ris de mon impatience. Cependant je cherche dans chaque chose le caractère bizarre et double qui la rend un moyen de nos misères, et ce comique d’oppositions qui fait de la terre humaine une scène contradictoire où toutes choses sont importantes au sein de la vanité de toutes choses. Je me précipite ainsi, ne sachant plus de quel côté me diriger. Je m’agite, parce que je ne trouve point d’activité : je parle, afin de ne point penser ; je m’anime, par stupeur. Je crois même que je plaisante : je ris de douleur, et l’on me trouve gai. Voilà qui va bien, disent-ils, il prend son parti. Il faut que je le prenne : je n’y pourrai plus tenir.


5 août.

Je crois, je sens que tout cela va changer. Plus j’observe ce que j’éprouve, plus j’en viendrai à me convaincre que les choses de la vie sont indiquées, préparées et mûries dans une marche progressive dirigée par une force inconnue.

Dès qu’une série d’incidents marche vers un terme, ce résultat qu’elle annonce se trouve aussitôt un centre que beaucoup d’autres incidents environnent avec une tendance marquée. Cette tendance qui les unit au centre par des liens universels nous le fait paraître comme un but qu’une intention de la nature se serait proposé, comme un chaînon qu’elle travaillerait à dessein selon ses lois générales, et où nous cherchons à découvrir, à pressentir dans des rapports individuels, la marche, l’ordre et les harmonies du plan du monde.

Si nous y sommes trompés, c’est peut-être par notre seul empressement. Nos désirs cherchent toujours à anti-