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réponse est très-simple. Quand le feu de votre cheminée s’éteint, sa lumière, sa chaleur, son mouvement enfin le quitte, comme chacun sait, et s’en va dans un autre monde pour y être éternellement récompensé s’il a réchauffé vos pieds, et éternellement puni s’il a brûlé vos pantoufles. Ainsi l’harmonie de la lyre que l’éphore vient de faire briser passera de pipeaux en sifflets, jusqu’à ce qu’elle ait expié par des sons plus austères ces modulations voluptueuses qui corrompaient la morale.

Rien ne peut être anéanti. Non : un être, un corpuscule n’est pas anéanti ; mais une forme, un rapport, une faculté le sont. Je voudrais bien que l’âme de l’homme bon et infortuné lui survécût pour un bonheur immortel. Mais si l’idée de cette félicité céleste a quelque chose de céleste elle-même, cela ne prouve point qu’elle ne soit pas un rêve. Ce dogme est beau et consolant sans doute ; mais ce que j’y vois de beau, ce que j’y trouverais de consolant, loin de me le prouver, ne me donne pas même l’espérance de le croire. Quand un sophiste s’avisera de me dire que, si je suis dix jours soumis à sa doctrine, je recevrai au bout de ce temps des facultés surnaturelles, que je resterai invulnérable, toujours jeune, possédant tout ce qu’il faut au bonheur, puissant pour faire le bien, et dans une sorte d’impuissance de vouloir aucun mal, ce songe flattera, sans doute, mon imagination ; j’en regretterai peut-être les promesses séduisantes, mais je ne pourrai pas y voir la vérité.

En vain il m’objectera que je ne cours aucun risque à le croire. S’il me promettait plus encore pour être persuadé que le soleil luit à minuit, cela ne serait pas en mon pouvoir. S’il me disait ensuite : « A la vérité, je vous faisais un mensonge, et je trompe de même les autres hommes ; mais ne les avertissez point, car c’est pour les consoler, » ne pourrais-je lui répliquer que sur ce globe