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qui était né pour recevoir ce qu’elles promettent, et pour n’avoir point une passion ; pour tout employer, et pour n’avoir qu’une seule fin.

On y trouvera de l’amour ; mais l’amour senti d’une manière qui peut-être n’avait pas été dite.

On y trouvera des longueurs : elles peuvent être dans la nature ; le cœur est rarement précis, il n’est point dialecticien. On y trouvera des répétitions ; mais si les choses sont bonnes, pourquoi éviter soigneusement d’y revenir ? Les répétitions de Clarisse, le désordre (et le prétendu égoïsme) de Montaigne, n’ont jamais rebuté que des lecteurs seulement ingénieux. Jean-Jacques était souvent diffus. Celui qui écrivit ces lettres paraît n’avoir pas craint les longueurs et les écarts d’un style libre : il a écrit sa pensée. Il est vrai que Jean-Jacques avait le droit d’être un peu long ; pour lui, s’il a usé de la même liberté, c’est tout simplement parce qu’il la trouvait bonne et naturelle.

On y trouvera des contradictions, du moins ce qu’on nomme souvent ainsi. Mais pourquoi serait-on choqué de voir, dans des matières incertaines, le pour et le contre dits par le même homme ? Puisqu’il faut qu’on les réunisse pour s’en approprier le sentiment, pour peser, décider, choisir, n’est-ce pas une même chose qu’ils soient dans un seul livre ou dans des livres différents ? Au contraire, exposés par le même homme, ils le sont avec une force plus égale, d’une manière plus analogue, et vous voyez mieux ce qu’il vous convient d’adopter. Nos affections, nos désirs, nos sentiments mêmes, et jusqu’à nos