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mes, de cesser d’être homme : comment perdrait-il le droit le plus essentiel, le plus sûr, le plus irrésistible de cette même liberté, le seul qui garantisse son indépendance, et qui lui reste toujours contre le malheur ? Jusques à quand de palpables absurdités asserviront-elles les hommes ?

Si ce pouvait être un crime d’abandonner la vie, c’est vous que j’accuserais, vous dont les innovations funestes m’ont conduit à vouloir la mort, que sans vous j’eusse éloignée ; cette mort, perte universelle que rien ne répare, triste et dernier refuge que même vous osez m’interdire, comme s’il vous restait quelque prise sur ma dernière heure, et que là aussi les formes de votre législation pussent limiter des droits placés hors du monde qu’elle gouverne. Opprimez ma vie, la loi est souvent aussi le droit le plus fort ; mais la mort est la borne que je veux poser à votre pouvoir. Ailleurs vous commanderez, ici il faut prouver.

Dites-moi clairement, sans vos détours habituels, sans cette vaine éloquence des mots qui ne me trompera pas, sans ces grands noms mal entendus de force, de vertu, d’ordre éternel, de destination morale ; dites-moi simplement si les lois de la société sont faites pour le monde actuel et visible, ou pour une vie future, éloignée de nous ? Si elles sont faites pour le monde positif, dites-moi comment des lois relatives à un ordre de choses peuvent m’obliger quand cet ordre n’est plus ; comment ce qui règle la vie peut s’étendre au delà ; comment ce mode selon lequel nous avons déterminé nos rapports peut subsister quand ces rapports ont fini ; et comment j’ai pu jamais consentir que nos conventions me retinssent quand je n’en voudrais plus ? Quel est le fondement, je veux dire le prétexte, de vos lois ? N’ont-elles pas promis le bonheur de tous ? Quand je veux la mort, apparemment je ne me