reur ; mais ce bien, facile à tous, sera fait sans moi par les hommes bons. Il en est ; qu’ils vivent, et qu’utiles à quelque chose, ils se trouvent heureux. Pour moi, dans cet abîme de maux, je ne serai point consolé, je l’avoue, si je ne fais pas plus. Un infortuné près de moi sera peut-être soulagé, cent mille gémiront ; et moi, impuissant au milieu d’eux, je verrai sans cesse attribuer à la nature des choses les fruits amers de l’égarement humain, et se perpétuer, comme l’œuvre inévitable de la nécessité, ces misères où je crois sentir le caprice accidentel d’une perfectibilité qui s’essaye ! Que l’on me condamne sévèrement, si je refuse le sacrifice d’une vie heureuse au bien général ; mais lorsque, devant rester inutile, j’appelle un repos trop longtemps attendu, j’ai des regrets, je le répète, et non pas des remords.
Sous le poids d’un malheur passager, considérant la mobilité des impressions et des événements, sans doute je devrais attendre des jours plus favorables. Mais le mal qui pèse sur mes ans n’est point un mal passager. Ce vide dans lequel ils s’écoulent lentement, qui le remplira ? Qui rendra des désirs à ma vie et une attente à ma volonté ? C’est le bien lui-même que je trouve inutile ; fassent les hommes qu’il n’y ait plus que des maux à déplorer ! Durant l’orage, l’espoir soutient, et l’on s’affermit contre le danger parce qu’il peut finir ; mais si le calme lui-même vous fatigue, qu’espérez-vous alors ? Si demain peut être bon, je veux bien attendre ; mais si ma destinée est telle que demain, ne pouvant être meilleur, puisse être plus malheureux encore, je ne verrai pas ce jour funeste.
Si c’est un devoir réel d’achever la vie qui m’a été donnée, sans doute j’en braverai les misères ; le temps rapide les entraînera bientôt. Quelque opprimés que puissent être nos jours, ils sont tolérables, puisqu’ils sont