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regardant, il m’en évita le soin, et ajouta aussitôt : Peut-être aimerez-vous mieux un fragment moral ou philosophique, qui a été attribué à Aristippe, dont Varron a parlé, et que depuis l’on a cru perdu. Il ne l’était pas pourtant, puisqu’il a été traduit au quinzième siècle en français de ce temps-là. Je l’ai trouvé manuscrit, et ajouté à la suite de Plutarque, dans un exemplaire imprimé d’Amyot, que personne n’ouvrait, parce qu’il y manque beaucoup de feuilles.

J’ai avoué que, n’étant pas un érudit, j’avais, en effet, le malheur d’aimer mieux les choses que les mots, et que j’étais beaucoup plus curieux des sentiments d’Aristippe que d’une églogue, fût-elle de Bion ou de Théocrite.

On n’a point, à ce qu’il m’a paru, de preuves suffisantes que ce petit écrit soit d’Aristippe ; et l’on doit à sa mémoire de ne pas lui attribuer ce que peut-être il désavouerait. Mais s’il est de lui, ce Grec célèbre, aussi mal jugé qu’Épicure, et que l’on a cru voluptueux avec mollesse, ou d’une philosophie trop facile, avait cependant cette sévérité qu’exigent la prudence et l’ordre, seule sévérité qui convienne à l’homme né pour jouir et passager sur la terre.

J’ai changé comme j’ai pu, en français moderne, ce langage quelquefois heureux, mais suranné, que j’ai eu de la peine à comprendre en plusieurs endroits. Voici donc tout ce morceau, intitulé dans le manuscrit Manuel de Pseusophanes, à l’exception de près de deux lignes qu’on n’a pu déchiffrer.


MANUEL

Tu viens de t’éveiller sombre, abattu, déjà fatigué du temps qui commence. Tu as porté sur la vie le regard du