Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gaire, vous les rendez plus profondes, plus mystérieuses ; c’est par vous qu’elles sont romantiques.

LETTRE XXVI.

Paris, 9 février, troisième année.

Il faut que je vous dise toutes mes faiblesses, afin que vous me souteniez, car je suis bien incertain : quelquefois j’ai pitié de moi-même, et quelquefois aussi je sens autrement.

Quand je rencontre un cabriolet mené par une femme telle à peu près que j’en imagine, je vais droit le long du cheval jusqu’à ce que la roue me touche presque ; alors je ne regarde plus, je serre le bras en me courbant un peu, et la roue passe.

Une fois j’étais ainsi dans l’imaginaire, les yeux occupés, sans être précisément fixes. Aussi fut-elle obligée d’arrêter ; j’avais oublié la roue : elle avait et de la jeunesse et de la maturité ; elle était presque belle et extrêmement aimable. Elle retint son cheval, sourit à peu près, et parut ne pas vouloir sourire. Je la regardais encore, et sans voir ni le cheval ni la roue, je me trouvai lui répondre... Je suis sûr que mon œil était déjà rempli de douleur. Le cheval fut détourné ; elle se penchait pour voir si la roue ne me toucherait pas. Je restai dans mon songe ; mais un peu plus loin, je heurtai du pied ces fagots que les fruitiers font pour vendre à des pauvres : alors je ne vis plus rien. Ne serait-il pas temps de prendre de la fermeté, d’entrer dans l’oubli ? Je veux dire, de ne s’occuper que de... ce qui convient à l’homme ? Ne faut-il pas laisser toutes ces puérilités qui me fatiguent et m’affaiblissent ?

Je les voudrais bien ôter de moi ; mais je ne sais que mettre à la place ; et, quand je me dis : Il faut être homme