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renouvellement du monde. Ainsi livrés à tout ce qui s’agite et se succède autour de nous, affectés par l’oiseau qui passe, la pierre qui tombe, le vent qui mugit, le nuage qui s’avance ; modifiés accidentellement dans cette sphère toujours mobile, nous sommes ce que nous font le calme, l’ombre, le bruit d’un insecte, l’odeur émanée d’une herbe, tout cet univers animé qui végète ou se minéralise sous nos pieds ; nous changeons selon ses formes instantanées ; nous sommes mus de son mouvement, nous vivons de sa vie.

Si le mouvement est trop insensible au-dehors, je sens le besoin d’en produire en moi-même un qui soit facile, afin qu’il se perpétue sans exiger de moi l’effort d’une volonté nouvelle, et uniforme, afin que je puisse comme oublier sa sensation pour être tout entier à celles que j’attends, et que, sans nuire à celles-ci et les absorber, il ne soit pour elles qu’une sorte d’accessoire qui les fortifie, et qui, toujours semblable, puisse indifféremment s’unir à toutes[1].

  1. Lorsque les circonstances ne permettent pas une marche lente et comme mesurée, ou une action uniforme des bras, pourquoi n’y suppléeroit-on pas par le mouvement facile et égal de la langue qui