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sité absolue ! c’est elle qui détermine ce qui, étant indifférent, pouvoit être variable.

Afin que l’homme fût par-tout semblable, la nature lui a donné des besoins uniformes, primitifs, inaliénables. Afin qu’il fût par-tout différent, qu’il se sentît libre, qu’il voulût et choisît dans les choses d’un ordre inférieur, elle l’a laissé varier dans les possibles ; mais le retenant invisiblement sous son joug inévitable, elle lui a donné une loi moins sensible, l’habitude qui conduit sans commander, qui entraîne en rendant facile, et dont l’empire est aussi étendu que celui de la loi une et invariable. Cette loi une et invariable pour un nombre d’êtres animés constitue l’espèce ; l’habitude différente pour chacun d’eux fait les individus.

Le pouvoir de l’exemple est encore celui de l’habitude[1]. Dans tout ce qui est convenable à nos besoins et dès-lors possible à nos moyens,

  1. Cette cause du pouvoir de l’exemple me paroît la principale, mais elle n’est pas la seule. Tout est composé, tout est mixte dans la nature ; il n’est pas en elle de moyens qui ne concourent qu’à un seul effet, ni de produits qui ne résultent que d’une seule force. Nous partageons les affections que l’on éprouve sous nos yeux par un effet de cette loi universelle d’accord et d’harmonie qui assimile tous les êtres,