Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 299 )

à vos ancêtres dans la permanance de votre patrie autochtonne. Hommes d’Uri et d’Under-walden, vous êtes seuls restés à la nature, comme un monument vénérable des mœurs effacées, des formes primitives, et de plusieurs vérités méconnues.

Dans l’irrésistible torrent des heures qui dévore sans retour notre être instantané, cherchons du moins à pacifier ces destins versatiles, et prolongeons nos sensations par le doux contentement du jour qui s’écoule, et cette sécurité inaltérable qui semble perpétuer le présent et reculer l’avenir. Quelle étrange folie à des cœurs mortels que cette avidité qui consume nos jours plus rapidement que le tems lui-même ; et ces désirs immodérés, ces alarmes, ces agitations qui perdent une durée déjà si ébranlée par nos orageux destins. Heureux le sage enfant de la nature qui use de sa vie et ne la précipite point en vain. Il coule ses jours faciles sous son toit simple mais commode. Libre de toute affaire, libre de l’inquiète cupidité, il nourrit son troupeau dans le pâturage qu’il reçut de ses pères ; une source libre, des fruits, des racines, les châtaignes de son verger, le lait de ses chèvres,