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poursuit les mêmes prestiges avec un même délire ; et dans cette carrière fantastique, tout précipitent et perdent leurs années comme si leur vie entière n’étoit qu’un jour de leur durée. Les hommes se hâtent vainement, se poursuivent, se détruisent ; comme ces flots passagers qui se pressent les uns sur les autres, et se décorent mutuellement. Leur existence tumultueuse et instantanée s’est à jamais évanouie ; et dans l’irrévocable succession des tems sans bornes, il ne subsiste nulle ombre même, ni du vain bruit de la vague agitée, ni de la vaine gloire de l’homme passionné.

Instituteurs des peuples, quand vous les dirigerez pour eux et non pour vous, donnez à chaque homme un sort constant, donnez à tous un sort semblable, afin qu’ils puissent se livrer doucement à la succession de leur être, et attendre en paix ce que la nature des choses pourra mettre de différence inévitable entre leurs tranquilles destinées.

Que la vie de l’homme ne soit modifiée que selon les différences que la nature y a mis. Le mouvement est nécessaire[1] comme le

  1. Ces besoins opposés semblent résulter immé-