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QUATORZIÈME RÊVERIE.



Je ne vois pas un homme possédant ses facultés naturelles, jouissant d’une santé robuste et de la liberté physique, que je ne me demande par quelle étrange foiblesse un tel homme peut être malheureux ou dépendant ?

Misérables esclaves de nos moyens mêmes d’activité et d’indépendance, nous donnons, par nos passions extensives, tant de prise sur nous et aux hommes et aux événemens que pour satisfaire nos désirs considérés, nous consumons notre vie entière à les combattre, à combattre notre indépendance même, à briser l’instrument de notre liberté en rivant les chaînes qu’il devoit rompre.

Ainsi, là où il y a plus de différence dans les destinées individuelles, plus de penchans divers, plus d’industrie, plus d’objets de nos désirs, plus de besoins d’opinions ; là l’homme a moins d’énergie et d’indépendance ; là tout