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manence produite par la destruction de toutes choses ? la seconde est bien plus imposante ; mais, si on ne la modifie, elle ne sauroit rendre raison de ce que nous voyons par-tout ; elle n’explique point la nature. L’optimiste peut avoir raison quand il dit, que tout est bien, pour le tout ; mais il est fanatique de son système, quand il ajoute que dans le bien général il ne peut y avoir de mal individuel. Sans doute, le tout ne contenant nécessairement que les propriétés de ses parties, si le tout étoit parfait à notre manière, chaque être en particulier le seroit aussi, et l’équilibre harmonique des contraires ne seroit qu’une chimère. Mais tout être sensible souffre[1] ; nous ne parviendrons pas à le nier de bonne foi, ainsi cette puissante objection se change en une preuve que l’on pourroit dire invincible. Il faut bien avouer que le désir des jouissances, désir nécessaire à notre conservation, nous abuse dans l’idée que nous nous formons de la perfection absolue des êtres, et qu’au

  1. La sensibilité est probablement commune à tous les êtres ; mais qu’elle soit particulière à quelques-uns ou absolument générale, il n’importe ici ; les conséquences restent les mêmes.