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concevons au contraire qu’elle est une et simple. Mais il me semble que l’on ne prouve rien par là ; la pensée n’est pas l’ame ; elle n’est point non plus une substance effective, un être à part. L’ame est le principe quelconque qui anime le corps, et certes, ce principe peut être matériel dans l’homme qui respire, comme dans l’huître qui s’ouvre, et le lys qui végète. La pensée est un résultat de nos sensations, un mode, une faculté, comme la couleur[1] d’une tulipe, la gravitation d’une planète. Pourquoi ce résultat simple n’appartiendroit-il pas à un être composé ? La tendance, la force inconnue que vous nommez gravitation, a-t-elle une forme }, des couleurs, est-elle divisible ? ou parce qu’elle n’a point l’essence d’un être matériel, est-elle un esprit pur et indestructible ? Elle n’est rien de tout cela ; elle est un être métaphysique, une propriété ; elle n’a pas une existence propre.

Comment expliquer, comment concevoir, comment croire même possible l’action de la matière sur l’esprit et de l’esprit sur la matière ?

  1. C’est-à-dire, la disposition propre à réfléchir tel rayon de lumière. Cette disposition est-elle un être effectif ?