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dance limitée puisqu’elle est égale, donne l’usage sans faciliter l’abus, ne fatigue point par des travaux superflus, n’épuise point par un luxe inutile, n’énerve point par l’exagération des plaisirs d’un jour, mais ne connoît que des travaux utiles afin que ceux-là puissent n’être pas négligés, que des biens simples et des plaisirs uniformes afin que tous les puissent partager, et, sans aspirer jamais à la puissance extérieure, à la gloire, à la grandeur de l’état, veut seulement qu’estimé plus que craint au-dehors, protégé surtout par la force de résistance des vertus mâles et indomptables, il soit sûr et heureux au-dedans.

Malgré les préjugés d’intérêt des classes privilégiées et ceux d’habitude des classes sacrifiées, c’est un principe universellement reconnu, du moins pour la théorie, que les hommes sont essentiellement égaux, et que la cité n’est qu’une association précaire et monstrueuse dès que chacun de ses membres n’en partage pas les droits comme les charges. Mais il faut un grand art, ou plutôt un art trop simple et trop étranger à notre politique, pour rendre et maintenir les hommes vraiment égaux. Dans l’inaptitude à changer les choses établies, ou à prévenir la corruption des choses nou-