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lien[1] volontaire également chéri des bond cœurs, et convenable à la raison desabusée. Que de probabilités lui sont favorables aux yeux de celui qui veut raisonner son choix et motiver ses désirs. J’essaye presqu’en aveugle ce qui est nouveau pour moi, et dans l’inexpérimenté, fussé-je le plus prudent des hommes, je pourrois souvent d’une chose bonne ne recevoir que la partie désavantageuse. Au contraire, je connois sous ses divers rapports ce que j’ai déjà éprouvé ; et, comme une chose seule peut toujours être considérée sous divers aspects, et produire du moins indirectement des effets opposés, je choisis le lieu, le tems, toutes ces convenances et tous ces accessoires dont le détail importe tant à qui le sait pénétrer ; je jouis doublement du bien, soit en l’assimilant davantage à mes besoins, soit en écartant ce qui pourroit l’altérer, et faisant servir à mon avantage jusqu’au mal même qu’il cachoit à un œil non exercé.

Si un romancier nous peint son héros parcourant vingt contrées, essayant de tout ce qu’elles offrent de séduisant et enivré de plaisirs,

  1. Le sage s’y attache volontairement ; il est conduit, mais non pas enchaîné par elle.