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tions, elle tous protège l’un par l’autre ; mais vous vous déchirez pour le stérile honneur de la combattre, et vous trouvez vos plus affreux malheurs dans le bonheur exclusif que vous avez si imprudemment cherché. Elle vous disoit à tous : aime, console, jouis et fais jouir ; jouis dans toi-même et dans tout ce qui ressemble à toi. Elles passeront les lois atroces et les superstitions sanguinaires ; ils passeront les stériles efforts des vertus austères et les écarts effrénés, plaisirs de la servitude ; mais la loi primitive ne périra jamais. Un jour peut-être le bonheur naîtra de son précepte immuable, nos calamités s’effaceront dans l’oubli des erreurs qui la combattent ; les momens rapides, que nous appelons les siècles de civilisation, s’éloigneront confondus dans les ténèbres qui couvrent pour nous les tems sauvages, et le genre humain enfin rétabli perdra jusqu’au souvenir de cette étonnante déviation.