Page:Senancour - Rêveries sur la nature primitive de l’homme, 1802.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 163 )

dien comme l’Européen veut imiter ses dieux. Une longue civilisation[1] mûrit les folies orgueilleuses. Cependant l’Indien partage encore les passions et l’activité des enfans de la terre ; le Quiétiste chinois est encore loin du principe aérien : sur ce globe sublunaire l’homme dégradé n’est après tout qu’un dieu fort imparfait.

Vanter les bienfaits de l’Éternel et mépriser ses bienfaits ; bénir sa bonté, l’adorer dans ses œuvres et affirmer que l’homme s’élève à lui en dédaignant les biens qu’il lui donna, l’on ne doit point voir en cela d’inconséquence, l’erreur n’est que ce qui peut humilier l’homme ; tout ce qui l’élève est vrai, parce qu’il aime à s’élever.

Il y a moins loin que l’on ne pense de l’impassibilité stoïque à l’abnégation de l’insensé sous le froc, à la demence du faquir qui mérite la béatitude du vingtième ciel, en fixant la lumière bleue, ou même au jaloux honneur

  1. Une civilisation plus longue éteint les préjugés, mais après avoir stérilisé les cœurs. Le fruit trop mûr tombe et disparoît ; mais c’est quand la sève est épuisée, quand la végétation est refroidie. L’arbre qui portoit des fruits dangereux n’en produira pas de meilleurs quand ceux-ci auront passé, seulement il n’en donnera plus.