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Dieu dès qu’il punit ; il est infini, impénétrable lorsqu’il se venge : c’est-là sa grandeur suprême, l’attribut divin. Il n’est pas de vertu sans effort ; et Dieu mérite bien que le foible mortel se sacrifie à lui, c’est-à-dire, à son culte, à ses ministres. Réprimez vos penchans, cela lui est agréable, parce que cela est pénible : étouffez toutes vos passions, détruisez en vous l’homme de la nature pour y substituer l’homme de la grâce docile à nos vues. Ne doutez pas un moment, tout examen est une impiété, toute discussion est un blasphème : d’ailleurs la religion la plus absurde[1] aux yeux profanes est nécessairement la seule vraie. Elle est encore la plus consolante ; elle mène au bonheur par les austérités et fait oublier toutes les misères de la vie dans l’espérance céleste que sur mille réprouvés il pourra y avoir un élu. Assurément il est essentiel au genre humain que nos dogmes deviennent universels. Hâtons-nous de réformer et de combattre. Le Dieu jaloux sera le Dieu des armées qui nous soumettront les peuples. Abjurons ces lois profanes de liberté et d’équité.

  1. Un père de l’église a dit : Je le crois parce qu’il est absurde, je le crois parce qu’il est impossible.