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des ateliers de l’homme aux mutations de la matière universelle, le principe de la voie la plus courte. L’utile humain consiste à ménager des forces bornées, à faire beaucoup avec peu ; mais la nature, contenant toutes choses, opère par des moyens illimités ; et pourtant nulle force n’est perdue en elle ; car si chaque effet tient à toutes les causes, chaque cause entraîne tous les effets.

Ainsi l’éducation, prise même dans le sens le plus étendu, n’a qu’un pouvoir secondaire : mais il est assez grand pour changer le sort des nations, et l’on a trop appris jusqu’à quel point elle peut en quelque sorte dénaturer l’homme.

Elle sera mauvaise, essentiellement par-tout où elle combattra la nature, et relativement par-tout où elle ne sera pas liée tellement avec les lois, tellement dirigée selon leur esprit, que les formes qu’elle ébauche dans l’enfant soient finies par celles-ci dans le citoyen ; et que l’homme, plus sûr de ce qu’il doit, sorte enfin de ce chaos d’institutions contraires qui font de sa prudence une adresse flétrissante, de son bonheur l’œuvre du hasard ou du crime, et de ses devoirs un problème.

Cette opposition perpétuelle entre l’éducation et la loi, l’usage, l’honneur ou le préjugé,