parce qu’il va changer de maux, et il finit sans savoir s’il y a, en aucun sens, un bien ou un mal absolu ; s’il y avoit à sa vie une destination utile ; par quelles causes, par quelles lois, pour quelle fin il a vécu.
Mais toi, fils immédiat de la nature, en qui les formes accidentelles n’ont pas effacé, l’empreinte primitive, tu veux savoir, au milieu de tant de nations de mœurs opposées, ce qui est commun à toutes, ce qui convient à ton espèce en général ; tu consultes leurs annales, histoire incomplète de deux cents générations, et dans ces mémoires d’un jour tu prétends voir ce qu’il y a de permanent dans l’homme. Autant vaudront juger l’Europe par les habitudes de ta famille, ou les mœurs des êtres animés par celles du chien que tu a façonné à l’esclavage. Consulte tes sensations et tu sentiras bien mieux ce qui est propre à l’homme. Au-dehors tu ne verrais qu’une foule servile et nulle, et quant aux hommes, en petit nombre, qui, quelque part que le hasard les ait jeté, s’y sont conservés à peu près tels qu’ils eussent été ailleurs, à la vérité ils n’ont pas intérieurement assujetti leur être aux autres êtres placés près d’eux ; mais leur vie extérieure ne pouvoit être indépendante