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cette laborieuse erreur de la terre savante ; vous ; exempts de travail ; de privations et d’ignorance, à jamais séparés d’un facile bonheur[1] ; ridicules et misérables divinités d’œuvre humaine, vous ne pourrez que dans la philosophie seule régénérer votre être et rajeunir votre vie épuisée ; vous ne pourrez que dans son calme factice, reposer à l’abri des orages ce cœur foible et altérable que sa nature n’avoit point préparé pour la tourmente des cités.

L’action présente des êtres extérieurs produisent les sensations de l’homme simple. Les traces conservées les déterminoient rarement, et peut-être même ne les produisoient jamais qu’indirectement. Ainsi, toujours modifié selon le cours universel des choses, toujours à sa place, l’homme de la nature étoit toujours bien.

L’homme actuel s’est isolé de la foule des

  1. Dans l’usage d’une grande fortune, l’on possède tout ce que l’on desire, excepté les désirs eux-mêmes : ainsi, environné d’une grande puissance extérieure, l’on est foible et misérable au-dedans ; et le superbe esclave des vanités humaines jouit au loin de toutes les apparences et de tous les moyens du bonheur, mais son principe même est éteint dans son cœur.