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conduire l’homme et entraîner ses jours dans des voies qu’il aime ; mais des passions nombreuses et opposées qui, sans relâche le pressent ; le retiennent et l’agitent en sens contraire, ne peuvent que fatiguer et perdre sa vie.

L’habitude de conserver et combiner les traces de tant d’impulsions reçues, celle que contractent les organes d’être mus à la fois par tant de moteurs différens, diminuent tellement la force comm exclusive, qui devoit appartenir à l’impression la plus récente, que nous ne sommes jamais que très-partiellement au moment présent ; et que n’usant jamais de l’heure actuelle, nous ne jouissons pas d’une seule de nos heures.

Malgré la force de l’habitude, et les erreurs toujours renaissantes de nos passions, nous sentons confusément que c’est l’agitation de cet état d’attente et de suspension qui creuse le vide où se perdent laborieusement nos pénibles jours.

IL nous paroît impossible de ramener nos cœurs altérés à leur simplicité originelle ; mais nous pouvons rencontrer dans l’excès même de notre déviation les moyens de nous rapprocher d’elle ; et, rapidement entraînés sur ce cercle de la versatilité humaine, nous de-