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en une vanité aussi puérile que fastueuse dans son objet, aussi désastreuse qu’illimitée dans ses suites : à force de tendre à ce qui lui parut élevé, il imagina une grandeur fantastique ; à, force de chercher une vie meilleure, il méprisa, il perdit celle qui étoit propre à sa nature ; il parvint à cette vie actuelle livrée au cahos des passions extrêmes, et à la dépendance des combinaisons fortuites et multiples de tout ce qui compose à chacun de nous un caractère qui n’étoit pas le nôtre, et un sort que nous n’avions pas voulu.

Parmi nous, celui qui ne jouit pas de toutes les recherches, de tous les caprices du luxe, éprouve les privations et l’opprobre de l’indigence. On y confond la pauvreté avec le malheur ; et, suivant les conséquences naturelles de principes si faux, on conçoit à peine comment l’existence seroit tolérable ailleurs qu’au sein des villes, et comment il pourroit être quelque bien hors des conditions qui donnent droit à tout prétendre, et sans les richesses, moyen de tout obtenir.

Cependant, la simplicité diffère essentiellement de la misère. L’homme simple méprise ou ignore tous ces biens que le misérable envie ; ainsi, l’un est heureux tandis que